Dans un contexte de reprise timide de l'économie nationale, l'incertitude tarifaire plane
Après avoir frôlé la récession fin 2023, l'économie connaît un léger rebond. Afin de maîtriser l'inflation, la Banque du Canada a maintenu ses taux à 5 % pendant près d'un an, jusqu'en mai 2024, ce qui a eu des effets fortement dépressifs sur l'investissement. La forte croissance démographique a soutenu la consommation, mais cet effet de levier devrait s'estomper à mesure que la politique migratoire deviendra plus restrictive. L'endettement des ménages est élevé (102 % du PIB, le plus élevé du G7), ce qui limite la consommation car les hypothèques sont de plus en plus renégociées dans un environnement de taux plus élevés. On s'attend à ce que les investissements en capital et la construction reprennent de la vigueur tout au long de l'année 2025, à mesure que les baisses de taux agressives de la Banque du Canada se transmettront.
Toutefois, ces perspectives prudemment optimistes sont soumises à une forte dose d'incertitude liée à la récente réélection de Donald Trump et à ses conséquences potentielles pour les exportations canadiennes. Le président américain s'est présenté sur une plateforme de droits de douane de grande envergure sur tous les partenaires commerciaux, et 80 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis. Au moment de la rédaction du présent document, on ne sait pas dans quelle mesure le Canada sera touché par les droits de douane américains, ni quand ils seront mis en œuvre. L'énergie et l'industrie manufacturière américaines et canadiennes sont profondément interdépendantes (en particulier l'industrie automobile) et le Canada a déjà bénéficié d'un traitement préférentiel sous la première administration Trump, au cours de laquelle l'accord de libre-échange USMCA a été signé. Ce traité devant être réexaminé en 2026, il est plus probable que les États-Unis tentent d'obtenir des concessions en échange du maintien de l'exclusion du Canada. La cible probable sera le commerce avec la Chine, où les États-Unis voudront que le Canada les imite en matière de droits de douane, applique des règles d'origine plus strictes et libère l'accès aux marchés des produits laitiers et de la volaille.
Le marché mondial de l'énergie s'est détendu en raison de la capacité accrue de l'OPEP+ et du ralentissement de la demande chinoise, ce qui a pesé sur la valeur des exportations. Cette situation devrait perdurer tout au long de l'année 2025, bien que le conflit en cours au Moyen-Orient crée un certain risque de hausse. L'expansion de l'oléoduc Trans Mountain devrait néanmoins soutenir une augmentation soutenue des volumes. Une légère contribution positive est attendue de la part des dépenses publiques.
Déséquilibres budgétaires et extérieurs modérés
Le déficit du budget fédéral devrait se réduire légèrement au cours de l'exercice 2025-26. La croissance des recettes devrait être affectée par l'atonie de l'activité économique. Néanmoins, les autorités fédérales ont l'intention de réduire le déficit au cours des prochains exercices budgétaires afin de respecter un point d'ancrage budgétaire fixé à 1 % du PIB d'ici à 2026-27. L'élargissement récent de l'imposition des plus-values des sociétés fournira l'essentiel de l'effort en matière de recettes. Les nouvelles dépenses concerneront principalement des engagements visant à stimuler l'offre de logements, des mesures de soutien à l'économie propre et le renforcement du filet de sécurité sociale pour les communautés indigènes. Si le ratio d'endettement brut des administrations publiques est très élevé, notamment après déduction des actifs détenus par le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec, le ratio d'endettement net (22,8 % du PIB) reste inférieur à celui de ses pairs du G7. En outre, il devrait rester sur une trajectoire descendante.
La modération des prix de l'énergie en 2024 a contribué à une légère aggravation du déficit de la balance courante. En 2025, le déficit de la balance courante devrait se creuser légèrement, tout en restant modéré. Les dépenses des voyageurs canadiens à l'étranger contribueront à nouveau au déficit du compte des services. La balance commerciale devrait être légèrement déficitaire, les exportations étant tirées par les ventes de produits de base, tandis que la croissance des importations restera modérée en raison de la lenteur de la demande intérieure. L'excédent des revenus d'investissement devrait se modérer. Le déficit du compte de transfert restera marginal. Les achats d'actifs financiers canadiens par les non-résidents devraient largement financer le déficit. La dette extérieure, largement détenue par le secteur financier (60%), reste élevée (143% du PIB).
Le vote conservateur en vue, la détérioration des relations avec l'étranger
Justin Trudeau (Parti libéral, PL), Premier ministre depuis novembre 2015, a été élu pour un second mandat à la suite des élections fédérales anticipées de septembre 2021. Ces élections ont abouti à la formation d'un gouvernement minoritaire (158 sièges sur 338). Jusqu'à présent, le gouvernement Trudeau a pu gouverner grâce à un accord de soutien du Nouveau Parti Démocratique (NPD, 25 sièges), qui a été révoqué en septembre 2024. Cela a ouvert une fenêtre pour le Parti conservateur (CP, 119 sièges) pour pousser à des élections anticipées par le biais d'un vote de défiance, éventuellement avec le soutien du Bloc Québécois séparatiste (33 sièges). Toutefois, cela nécessiterait un certain soutien de la part des législateurs du NPD, qui pourraient préférer laisser le mandat s'achever afin de récupérer des voix du PL. Le PC, dirigé par Pierre Poilièvre, a réussi à établir un lien entre la crise du coût de la vie et le programme écologique du PL, et est bien placé pour reprendre le pouvoir pour la première fois depuis dix ans.
Les sources de friction entre les gouvernements fédéral et provinciaux restent importantes. Le gouvernement fédéral s'est par exemple heurté aux gouvernements conservateurs de l'Alberta et de la Saskatchewan, qui estiment que les politiques climatiques fédérales ont un impact négatif sur l'industrie pétrolière et gazière. Il y a également des désaccords réguliers avec la province francophone du Québec.
L'élection de Donald Trump fait peser une incertitude importante sur les relations entre les États-Unis et le Canada. Compte tenu d'un alignement idéologique plus étroit, on peut s'attendre à moins de frictions si les conservateurs reprennent le pouvoir, mais les désaccords sur le commerce devraient persister. Les relations avec la Chine et l'Inde se sont considérablement tendues. Une enquête est en cours sur une éventuelle ingérence de la Chine dans les élections et, à la mi-2024, le Canada a suivi les États-Unis en imposant des droits de douane sur les véhicules électriques, l'acier et l'aluminium. Les allégations du gouvernement selon lesquelles l'Inde serait à l'origine de l'assassinat d'un dirigeant sikh en Colombie-Britannique, ce que l'Inde a démenti, ont envenimé les relations bilatérales et pourraient compromettre les efforts visant à approfondir les liens diplomatiques et économiques entre les deux pays.