La restructuration de la dette progresse
Les profonds déséquilibres budgétaires préexistants (larges déficits publics et surendettement) ont été exacerbés par des crises extérieures en 2020-2023. La perte de confiance des investisseurs et les sorties de capitaux ont provoqué un décrochage de la monnaie locale (le cédi a perdu 50% de sa valeur en 2022) et la perte d’accès aux marchés internationaux en novembre 2021. Le gouvernement a dû opter pour le marché domestique, caractérisé par des taux d’intérêt élevés, et le financement monétaire du déficit public, alimentant encore plus l’inflation. Tout cela conduit le Ghana à solliciter l’aide du FMI en juillet 2022 et à suspendre le service de l’essentiel de sa dette extérieure (euro-obligations, prêts commerciaux et dettes bilatérales) en décembre. En mai 2023, le FMI approuve un programme financé par 3 milliards d’USD sur 3 ans au titre de la Facilité élargie de crédit (FEC). Le programme est conditionné à la mise en place de réformes (développement du secteur privé, consolidation budgétaire), ainsi qu’à une restructuration de la dette publique jugée insoutenable, en suivant les principes adoptés par le groupe des pays du G20, notamment l’égalité de traitement de tous les créanciers. En septembre 2023, le Ghana a achevé la restructuration de l’essentiel de sa dette domestique (47 % de la dette publique totale) par laquelle le gouvernement a échangé les titres à moyen et long terme contre des obligations à intérêts plus faibles et à échéances plus longues. Cette restructuration a allégé le stock de dette publique en 2023. Conjointement à la suspension des intérêts du service d’une grosse partie de la dette extérieure, cette restructuration a aussi permis une amélioration significative du solde public, avec des paiements d'intérêts (principalement domestiques) passant de 30 % à 24% des dépenses publiques en 2023. De son côté, la dette extérieure représente la moitié de la dette publique et est détenue par des créanciers obligataires (42%), multilatéraux (26%), bilatéraux (17%) et des banques commerciales (14%). En 2024, le pays a conclu des accords en vue de restructurer 5,4 milliards USD de dette bilatérale et 13 milliards USD de dette obligataire, permettant d’envisager des accords définitifs fin 2024 ou début 2025, soit plus de deux ans après le commencement des négociations. Les créanciers bilatéraux prévoient de suspendre le service de la dette entre 2023 et 2026. Il sera capitalisé et accumulera des intérêts supplémentaires jusqu’à son remboursement dans les 16e et 17e années suivant la date d’échéance initiale. Les détenteurs d'obligations ont accepté, en principe, une réduction du principal pouvant aller jusqu'à 37% et un allègement du service de la dette d’environ 4,4 milliards USD jusqu’en 2026. Les termes finaux n’ont pas encore été formalisés, mais un tel accord pourrait encore soulager le solde public. La progression de la restructuration de la dette a permis de finaliser la deuxième revue de l’accord avec le FMI, entraînant un décaissement supplémentaire de 360 millions USD, portant le financement total à 1,6 milliards USD.
Après avoir atteint l’équilibre en 2023 grâce à l’assainissement budgétaire, puis s’être relâché dans le contexte électorale de 2024, le solde primaire devrait dégager un léger excédent primaire (c-à-d hors intérêts) en 2025, estimé à 0,5 % du PIB. Une hausse des recettes (16% du PIB en 2023) est probable grâce au renforcement de la collecte des impôts et à une hausse des recettes douanières stimulées par l’augmentation de la production d’or et de pétrole. Après une légère hausse des dépenses en 2024 liée aux élections, celles-ci (19,2% du PIB en 2023) continueront d’être rationalisées en 2025. Le gouvernement s’efforcera d’améliorer la gestion des entreprises publiques et d’accélérer la restructuration des secteurs du cacao et de l’énergie. Une nouvelle tarification de l’électricité reflétant mieux les coûts permettra de réduire les arriérés de l’Etat envers les producteurs d’électricité indépendants.
Depuis la suspension du service sur une large partie de la dette extérieure, la balance courante est excédentaire et devrait le rester en 2025. L’excédent commercial structurel est nourri par la progression des volumes et les cours élevés des exportations de pétrole brut et d’or, ainsi que par la remontée des prix du cacao. Cependant, la reprise de la demande domestique, tant en consommation qu’en investissement, entrainera une progression des importations. Le déficit des services augmentera en raison des dépenses liées aux développements pétroliers et miniers. De plus, les remises d’expatriés (5,4% du PIB en 2023), principalement en provenance du Nigeria, des Etats-Unis et du Royaume-Uni, soutiendront l’excédent courant. En revanche, les rapatriements de bénéfices par les investisseurs étrangers, accrus par le développement de leur activité, continueront à peser négativement dans le compte des revenus. En outre, les IDE, après avoir atteint un plancher à 1,7% du PIB en 2023, devraient constituer une source majeure de financement à mesure que la confiance des investisseurs se renforce. Le Ghana s’appuiera également sur les décaissements au titre de l’accord avec le FMI. Les réserves de change, qui avaient atteint un niveau historiquement bas en novembre 2023 (1,6 mois d’importations), ont atteint l’équivalent de 3 mois d’importations en avril 2024.
Un rétablissement fragile de la croissance
Après un frémissement électoral en 2024, la croissance devrait rebondir en 2025, portée par la reprise de la demande intérieure et l’augmentation des investissements étrangers. La consommation des ménages (84% du PIB en 2023) reprendra à mesure que l’inflation diminue. La croissance pourra également s’appuyer sur l’investissement (18% du PIB), grâce au desserrement monétaire, permis par la désinflation, et au retour de la confiance chez les investisseurs avec les progrès dans la restructuration de la dette et les nouveaux décaissements du FMI. Malgré la volonté des autorités de développer son volet manufacturier, l’industrie (34,2% du PIB en 2022) reste dominée par l’exploitation minière avec l’or, le bauxite et le manganèse. Le Ghana convoite également le statut de producteur de lithium avec le projet de la future mine Ewoyaa. L’agriculture (20,9% du PIB) reste un pilier de l’économie, employant 40% de la main d’œuvre du pays. Le secteur des services (44,9% du PIB) sera principalement soutenu par le tourisme (7,6% du PIB en 2022), ainsi que les télécommunications, portées par une population grandissante et une utilisation croissante des smartphones. Malgré la contrebande, les exportations seront stimulées par l’augmentation de la production d’or, notamment grâce à la remise en service et à l'expansion de la mine d'or de Bibiani, ainsi qu’au démarrage de la production à la mine d'Ahafo North. La production d’hydrocarbures profitera de l’extension du champ offshore Jubilee et d’autres champs. La production de cacao (11% des exportations en 2023) reste incertaine. En 2023-2024, la propagation du virus de l’œdème des pousses du cacaoyer, les conditions météorologiques et la contrebande avaient provoqué la chute de la production de cacao, par la suite compensée par l’envolée des cours. Ces obstacles, s’ils persistent, pourraient encore perturber la production en 2025.
L’inflation à deux chiffres s’explique par le financement monétaire du déficit public (désormais interdit par l’accord avec le FMI), la hausse des prix des denrées alimentaires et des produits importés, aggravée par la dépréciation du cédi. Pour réduire les tensions inflationnistes, la Banque Centrale du Ghana (BoG) a relevé ses taux, jusqu’à 30% en juillet 2023. Grâce à ce resserrement monétaire, à l’assagissement des prix mondiaux, ainsi qu’à une moindre dépréciation du taux de change due au retour de la confiance lié aux progrès sur la restructuration de la dette et aux injections de devises du FMI et autres organismes multilatéraux, l’inflation devrait baisser en 2025. Cela suggère une baisse des taux, déjà amorcée en janvier 2024 (baisse de 100 points de base). Cependant, l’inflation restera au-dessus de la fourchette cible de 6-10% en 2025.
Une alternance se profile sur fond de crise économique
En fonction depuis janvier 2017, le président Nana Akufo-Addo (parti NPP, New Patriotic Party, centre-droit) a atteint la limite de deux mandats imposée par la constitution et ne peut donc pas se représenter à l’élection présidentielle prévue en décembre 2024. Mahamudu Bawumia, son vice-président (NPP), et John Mahama, ancien président et candidat du National Democratic Congress, parti social-démocrate, sont les deux principaux candidats en lice. L’image du parti présidentiel, le NPP, a été ternie par la crise, la baisse du niveau de vie et l’aggravation de la pauvreté (le taux de pauvreté est estimé à 33% en 2025, contre 27% en 2022), alimentant mécaniquement la popularité du parti de l’opposition et faisant jouer les habituels affrontement et alternance bipartisanes. Quel que soit les vainqueurs des élections présidentielle et législatives en décembre 2024, les défis et les contraintes, notamment budgétaires, resteront identiques.
Concernant les relations internationales, le Ghana entretient des liens solides avec la Chine, destination majeure des exportations de pétrole brut et de manganèse, ainsi que créancière majeure. En revanche, la situation avec le Burkina Faso voisin reste tendue en raison de l’infiltration, à partir de ce pays, de groupes armés djihadistes affiliés à Al-Qaida et à l’organisation Etat islamique dans le nord du pays. Ce risque d’insécurité avait d’ailleurs motivé le Ghana à lancer l’initiative d’Accra, en 2017, avec les autres pays de la sous-région, afin de promouvoir l’échange d’informations sur le djihadisme au Sahel. Par ailleurs, le golfe de Guinée reste le théâtre d’actes de piraterie. Enfin, les relations avec certains pays occidentaux et certaines institutions internationales pourraient être assombries par l’adoption d’une loi anti-LGBT+ par le gouvernement en février 2024. La loi n’a pas encore été ratifiée par le président et sa constitutionnalité reste à démontrer.