Une croissance modérée et dépendante de la conjoncture américaine
En 2024, la croissance économique a été impactée par le ralentissement américain. Ce ralentissement a pesé sur les exportations honduriennes, ainsi que les envois de fonds des expatriés, principal moteur de la consommation privée (90 % des envois venant des Etats-Unis en 2023). Cette dynamique devrait perdurer en 2025. Toutefois, la consommation privée (50% du PIB) continuera d'être soutenue par la diminution de l'inflation. Celle-ci poursuivra sa décélération amorcée en février 2023, se maintenant dans la fourchette cible de la Banque Centrale du Honduras (4,0 % ± 1,0 point). À ce titre, après avoir maintenu à 3 % son taux d’intérêt de référence depuis novembre 2020, la BCH a décidé de l’augmenter à 4 % en août 2024. Cependant, l’efficacité de sa politique monétaire demeure limitée par la faible flexibilité du taux de change et ses interventions sur le marché des changes. Enfin, la hausse du salaire minimum comprise entre 5,5 % et 7 %, selon la taille de l’entreprise, effective depuis janvier 2024, soutiendra également la consommation des ménages.
La croissance des exportations devrait ralentir, continuant de refléter majoritairement la demande américaine, moins dynamique, pour les produits issus des maquiladoras (vêtements et textiles). Les États-Unis sont le premier partenaire commercial du Honduras. Les exportations de produits agricoles tels que le café, les bananes, les crevettes et l'huile de palme — représentant plus de la moitié des exportations du pays — diminueront également.
De plus, l’investissement privé, tant domestique qu’étranger, demeurera contraint par le renforcement du contrôle étatique, illustré par la reprise de la distribution d'électricité par l'Empresa Nacional de Energía Eléctrica (ENEE, l’entreprise publique d’électricité). En revanche, dans la perspective des élections générales de 2025, l'investissement public compensera partiellement, dans le sillage du budget 2024 qui a prévu une augmentation de 34% des dépenses allouées au Programme d'Investissement Public (PIP), dont 40 % pour la modernisation des infrastructures routières et énergétiques.
Persistance des déséquilibres extérieurs
Le déficit courant s'est creusé en 2024, sous l'effet de l'augmentation du déficit commercial. Parallèlement, la croissance des remises d’expatriés (représentant 28% du PIB en 2023) est revenue à un rythme normal après avoir connu une forte augmentation ces dernières années. Cette tendance devrait se poursuivre en 2025. La balance commerciale demeurera déficitaire, grevée par les importations d’énergie. De plus, le ralentissement américain impactera les exportations de textile, les Etats-Unis représentant 70,5% du total des exportations de la maquilla hondurienne. Les exportations de produits agricoles demeureront sous pression en raison de la réduction des volumes exportés et de défis persistants, tels que les aléas climatiques, la fermeture d'exploitations, et une baisse des rendements. Cela sera partiellement compensé par la bonne performance des ventes de faisceaux de câblage, en lien avec la demande croissante du secteur automobile américain. Le déficit courant sera couvert principalement par les financements multilatéraux et les flux d'IDE (3,2% du PIB en 2023), particulièrement dans les secteurs du textile et de l'habillement. Enfin, les réserves de change de la BCH, couvrant 4,3 mois d’importations en septembre 2024 (contre respectivement 6 et 5 mois à la fin de 2022 et 2023), témoignent d’une tendance baissière. Elles resteront sous pression, notamment en raison de la diminution des transferts des expatriés et des interventions de la BCH sur le marché des changes pour contrôler le glissement du lempira.
En 2024, le déficit public s’est creusé, en raison de l’augmentation des dépenses courantes et de l'investissement public (10,5% du PIB). Ce déficit devrait encore légèrement s'accentuer en 2025. Le projet de budget pour 2025, présenté en septembre 2024, prévoit des dépenses sociales et d'infrastructure supplémentaires dont le financement dépend de l’adoption d’une réforme budgétaire, dite loi de justice fiscale, proposée en mars 2023. Cette réforme est bloquée au Congrès en raison de l'opposition des forces conservatrices et pro-entreprises. Soutenue par le FMI, la réforme prévoit un élargissement de l'assiette fiscale et une amélioration de la collecte et de l'efficacité des dépenses. Des effets positifs sur le déficit sont attendus dans le cadre d’une consolidation budgétaire progressive, qui se fait attendre. Cela fait partie d’un programme de trois ans signé avec le FMI en août 2023 et financé par une Facilité élargie de crédit et un Mécanisme élargi de crédit pour un total de 822 millions de dollars. Dans ce cadre, l'administration Castro compte augmenter les investissements dans les infrastructures et le capital humain, élargir la couverture de la sécurité sociale, tout en cherchant à faire adopter la loi sur la justice fiscale. Enfin, la dette extérieure, la moitié de la dette publique totale, est détenue par les créanciers officiels à des conditions (taux, durée) favorables.
Un environnement politique paralysé à l'approche des élections générales de 2025
La présidente Xiomara Castro du parti de gauche Libre, élue en novembre 2021 avec plus de 50 % des voix, a pris ses fonctions en janvier 2022, marquant la fin de douze années de pouvoir du Parti national (PN) de centre-droit. Depuis le début de son mandat, son administration est confrontée à des tensions persistantes avec le Congrès. Bien que des accords avec l’opposition aient permis, au premier semestre 2024, des nominations à la tête d’institutions comme la Cour des comptes et le Tribunal de justice électorale, la situation s’est dégradée avec la défection de 10 députés de Libre au bénéfice du Parti libéral de droite (PL), et la démission du vice-président Salvador Nasralla en avril 2024. Ainsi, Libre dispose désormais de 40 sièges sur un total de 128 sièges au Congrès, tandis que le PN, allié au PL et au Parti sauveur du Honduras (PSH) centriste, est le plus grand parti du Congrès (43 sièges). À l’approche des primaires de mars 2025 et des élections générales prévues en novembre 2025, ces tensions devraient perdurer. Par ailleurs, la sécurité intérieure demeure un enjeu majeur. L’état d’urgence, en place depuis novembre 2022, a été prolongé et étendu à une grande partie du territoire. Malgré une baisse de 30 % sur les sept premiers mois de 2024, le Honduras reste le pays avec le taux d’homicides le plus élevé dans la région.
Sur le plan extérieur, après avoir rompu ses relations diplomatiques avec Taïwan en 2023, l’administration Castro renforce ses liens avec la Chine. Cependant, la dépendance économique aux États-Unis, premier marché d’exportation et principale source de transferts de fonds, demeurera centrale. La coopération avec Washington pour contrôler les flux d’immigration illégale devrait se poursuivre. Toutefois, la décision de la présidente de remettre en cause l'extradition automatique des trafiquants de drogue vers les États-Unis affaiblira la lutte contre le narcotrafic, alors que le Honduras reste un maillon clé dans le transit de stupéfiants vers les États-Unis.